Compte-rendu journée conférences et débats du 12 novembre 2016 à Coussay-les-Bois

Cette première action du Collectif d’opposants à la ferme-usine de Coussay-les-Bois a réuni près de 300 personnes à la salle polyvalente de Coussay, au cours de cette journée. La majorité des participants ont déjeuné sur place.

Les participants

Parmi le public (très attentif), quelques élus :

Véronique Massonneau,

M. Tremblais, maire de Lésigny et président de la Communauté de communes des Vals de Gartempe et Creuse,

M. Favreau, maire de Coussay-les-Bois,

Trois conseillers Régionaux : Benoît Biteau, de Loudun, Thierry Perreau, Léonore Moncond’huy,

Yannick Tartarin, le 1er adjoint de La Roche-Posay,

Bruno Massonneau, le 1er adjoint de Naintré,

une élue de Châtellerault, qui représentait Cyril Cibert.

 

Cette journée de conférences et débats, animée par Dominique Brunet, porte-parole du Collectif, fut très dense !

 

Les associations du Collectif, ainsi que d’autres qui en avaient fait la demande, ont installé leurs stands dans la salle : Attac, L’improbable librairie, Aspect, VGCA, Vienne nature, La Confédération paysanne, Biocoop Le Pois Tout Vert, UFC-que choisir 86, Vienne Agro Bio, Greenpeace, Les Amis de la Terre.

Claude Pauquet, un photographe qui travaille notamment pour Le Monde et Libé, et qui réalise actuellement un reportage sur le militantisme, a tiré le portrait aux nombreux militants présents.

Accueil

 

- Peu après 10 h, début de la journée avec la présentation de la journée par Gilles Sauvion, adjoint au maire de Coussay-les-Bois, qui a fait le point sur la ferme-usine et parlé de la création du Collectif, dont le but est d’aider l’association Aspect et la Mairie dans leur combat contre ce projet.

- Vincent Butruille, président d’Aspect, a annoncé le lancement de la pétition papier en invitant le public à la signer. Il a rappelé que le maire a déposé 2 recours au Tribunal Administratif. Aspect va aussi déposer un recours contre l’autorisation d’exploiter. Il a invité le public à nous rejoindre à Poitiers le 26 novembre pour une mobilisation générale.

- Dominique Brunet, vice-président d’Aspect et porte-parole du Collectif, a développé le programme de la journée avec les 6 intervenants.

 

Il a remercié de généreux donateurs : Thierry Sacrez pour son excellent pain bio et Biocoop Le Pois Tout Vert qui nous a offert l’apéritif (vin blanc, jus de fruit et mélange de graines), ainsi qu’un gâteau au quinoa, Eric et Mélanie pour leurs fromages de chèvre.

 

- Jacqueline Berger a exposé l’organisation du repas et la vente des « taurillons » : un taurillon = 1€. Initiative amusante bien appréciée du public.

V. Butruille, G. Sauvion, D. Brunet
V. Butruille, G. Sauvion, D. Brunet

Conférences

1er intervenant : Jean-Bernard Teuma, éleveur à Felletin et porte-parole de la Confédération Paysanne de la Creuse. Il a travaillé à l’INRA avant d’être éleveur.

 

Sujet : Pourquoi voit-on se développer les fermes-usines dans nos campagnes ? L’opportunisme des subventions pour les énergies renouvelables et la perte du modèle d’agriculture familiale.

 

Le processus des F-U a commencé il y a 50 ans, avec le choix du productivisme. Quatre facteurs ont favorisé cette évolution :

1/ les conditions techniques, qui ont permis de sélectionner les animaux et les végétaux (génétique). Les bovins sont transformés en monogastriques et la robotique a fait perdre le sens de l’élevage (des puces insérées dans les oreilles de l’animal enregistrent toutes ses données corporelles pour les transmettre à un ordinateur !).

2/ les conditions économiques (intrants à faible coût).

3/ le volet humain : l’agro-industrie nécessite peu d’employés (2) et le travail est peu valorisant.

4/ l’arrivée des énergies renouvelables qui ont changé la donne.

Il souligne la perte de confiance en l’Administration et l’aberration des subventions (pour info : 1,4 million en Creuse).

 

Explication concernant les taurillons : un broutard est un veau de 6 mois destiné à être engraissé pour devenir taurillon jusqu’à 18 mois, âge où il est abattu.

 

Avec les subventions, le pouvoir politique a favorisé l’agrandissement des fermes. Il faut réorienter les aides de la PAC vers l’élevage à l’herbe.

 

L’Administration est influencée par 3 éléments : les syndicats (FNSEA), le secteur de l’abattage et de la transformation, la grande distribution. Porosité entre les 3 car des personnes influentes sont présentes dans ces 3 entités et agissent en faisant pression sur le Ministère de l’Agriculture.

Pour exemple, le projet creusois est suspendu pour l’instant, mais comme pour Coussay, le préfet est favorable au projet.

Il nous faut lutter tous les jours au quotidien et nous battre sur le plan juridique, puis agir auprès des consommateurs contre les lobbies de l’agroalimentaire, pour aller vers un monde qui a du sens. Le comité anti-LGV Poitiers-Limoges a fait basculer la décision du Conseil d’Etat : un message d’espoir pour nous.

 Le débat : 

Suite à l’intervention d’un éleveur allaitant, Jean-Bernard précise que les aides devraient permettre de survivre avec moins de bêtes et de surfaces, alors que la PAC a favorisé les agrandissements.

Soyons vigilants : de grands groupes agro-industriels se développent. Nous devrions réduire notre consommation de viande, la viande in vitro risquera d’arriver un jour dans nos assiettes !

Un artiste de Lésigny dit qu’il faut transmettre le message aux jeunes qui ne nous connaissent pas (écoles). 


2e intervenant : Michel Girard, ingénieur agricole.

Sujet : Aberration économique et écologique de ce projet de ferme-usine.

Il a réalisé une estimation des coûts du projet de Coussay.

Investissements :

-stabulation : 15000 m2, soit 2,5 millions d’euros

-photovoltaïque : 13300 m2, soit 4,5 millions d’euros

-méthanisation : 8 digesteurs, soit 2 millions d’euros

Besoin en fond de roulement : 1,9 million d’euros (animaux, aliments, salaires, etc).

Profits :

-électricité : 2,6 millions de Kw

-digestat : 9000 tonnes

-revenus gaz +électricité : 500 k€/an, dont 350 k€ de primes

Coûts non pris en compte :

-risques de pannes : photovoltaïque et méthaniseurs

-fuites du méthaniseur (technique encore mal maîtrisée)

-gestion des cadavres d’animaux morts

-qualité de l’eau (coût des traitements)-ex : sur le bassin Loire-Bretagne, 30%d’eau de bonne qualité et sur celui du

Clain, 18% d’eau de bonne qualité

Coût global d’investissement de la F-U : 10 millions d’euros.

Trésorerie SCEA Les Nauds = 0,1 million d’euros.

Conclusion : impossible d’être le seul investisseur !

Le débat :

intervention de Marc Baert : attention aux « pluies décennales » qui peuvent désormais survenir tous les 5 ans ! Les aménagements prévus sur le site de la ferme-usine, sont sous dimensionnés par rapport à ce risque. La collectivité risque d’être mise à contribution pour évacuer toute cette eau polluée.

Question : A-t-on des études sur les F-U existantes (pollution sol, air, nuisances, etc.) ? Pas d’étude précise à ce jour.

Réponse MG : cet élevage est nocif et non rentable. Dérive de la politique énergétique. Attrait pour les subventions.

Autre intervenant qui conseille la désobéissance civile. C’est une arme pour les citoyens. Il faut chercher les infos et les rendre publiques (ce que nous faisons). Cette F-U constitue un problème global, il faut s’allier aux autres luttes pour être plus fort.

Question : Etonnement qu’il n’y ait pas eu de volet économique dans l’enquête publique.

Intervention devant l’estrade de Serge Rivet, qui tient à nous faire part des pressions que l’UFC a subies lors du CODERST auquel l'association participe (Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques ).


Michel Girard
Michel Girard

Intervention des élus :

 

-       Véronique Massonneau nous félicite d’élargir le champ grâce au Collectif. Elle mentionne son intervention aux Ministères de l’Agriculture et de l’Environnement. Elle rappelle que la ministre allemande de l’Environnement veut réduire la taille des fermes. Pourquoi pas en France (dépôt proposition de loi) ?

 

- Le conseiller Régional M.Thierry Perreau rappelle que les élus écologistes ne voteront pas les budgets pour ces projets photovoltaïques, méthanisation, etc . portés par des industriels. Ces projets ne peuvent pas exister sans argent public (opinion partagée par Françoise Coutant Vice-Présidente de la Région). Il nous conseille de rassembler au-delà du local et de démontrer par exemple que ce projet ne crée pas d’emplois.

3e intervention : François Bigot, porte-parole du Collectif et président de VGCA. Jürgen Untiet et Nicolas Fortin

Sujet : Conséquences environnementales : qualité de l’eau pour le site de la F-U. Risque de pollution ponctuelle et diffuse. Hydrogéologie

 

L’eau du forage de La Fontaine Rateau n’est pas traitée actuellement. Les cartes présentées montrent le périmètre de protection rapprochée où les interdictions sont plus importantes. Une série de ruisseaux et fossés convergent vers la Luire et la Creuse. Ligne de partage des eaux vers la Creuse et vers la Vienne.

Une nappe phréatique n’est pas un creux empli d’eau, mais une roche saturée d’eau. L’écoulement de la nappe va vers la Fontaine Rateau.

Pollution possible : exemple de l’atrazine (désherbant) dont les effets se font sentir à long terme, car il faut plusieurs années pour que la pollution traverse la nappe. Or, le plan d’épandage se trouve en grande partie dans le périmètre de protection.

Pour traiter l’eau, on ne peut pas enlever les nitrates, on ajoute simplement de l’eau. Cela les dilue, mais ils restent présents.

Conclusion : autoriser l’implantation de cette F-U à cet endroit est en fait une autorisation de polluer !

Le débat :

Vincent Butruille précise qu’il y a déjà une pollution de cette même nappe, due au centre d’enfouissement des déchets de SITA (longtemps combattu par Aspect). Donc nous sommes certains que cette pollution sera effective (chez SITA, piézomètres déjà en place). Chaque taurillon consommerait 50 litres d’eau par jour, soit 21900 m3/an. Il y aurait une rotation allant jusqu’à 1500 bêtes sur l’année…

Monsieur Favreau, maire de CLB, souhaite obliger M. Liot, le porteur du projet, à faire des analyses.

---> Voir le diaporama


4e intervenant : Véronique Richez-Lerouge, journaliste et auteure de «La vache qui pleure»

Sujet : Qualité de l’alimentation, la santé. Perte de contrôle sur la qualité de la viande. Risques sanitaires liés au confinement. Impact sur la santé des consommateurs.

 

Véronique est une spécialiste du lait, elle est présidente de « Fromages de terroirs ». Elle prône le lait cru, source originelle du monde, comme l’eau. Il faut distinguer les différents laits. Le lait issu de la traite sans intervention est stérile. Il est à 37° et apporte des microbes qui sont nécessaires. On peut le trouver dans les magasins bios.

Les laits pasteurisés, frais ou UHT sont « morts » car tous les composants utiles ont été retirés (on en fait des fromages) et on leur ajoute protéines, lactose, etc. Cela provoque des intolérances, car notre organisme ne les supporte plus. Il y a un matraquage moléculaire qui fait exploser le gras et le fait passer plus facilement dans le sang, ce qui peut favoriser le cholestérol. Les laits bio sont anti-inflammatoires (étude INRA Clermont-Ferrand) grâce aux bons rapports entre oméga 6 et 3. Les animaux enfermés manquent de lumière. En revanche les

vaches qui sortent ont plus de calcium dans le lait et plus de fer dans la viande. L’herbe permet de restituer un meilleur taux d’oméga 3.

Les enfants qui consomment du lait cru sont moins malades, surtout s’ils vivent dans une ferme.Il faut consommer des fromages fermiers.

Elle évoque Claude Bourguignon : on a supprimé 75000 km de haies. Or les vaches y trouvaient 150 végétaux autrefois, alors qu’il n’y en a plus que 3 de nos jours. Cet appauvrissement du vivant nuit à la qualité du lait.

Une vache qui a connu le soja dans son alimentation ne veut plus aller au pré.

Fermes de plus en plus grandes sollicitées par les grands groupes (Lactalis, Sodiaal) qui fabriquent même du lait en poudre pour la Chine.

Le débat

Un paysan-scientifique-généticien de Marennes-Oléron rectifie son propos sur les OGM : les animaux sont sélectionnés, mais cela n’a rien à voir avec les OGM.

Il y a une crise du modèle. A Coussay, l’alibi c’est le photovoltaïque et la méthanisation, on fait du business avec les énergies renouvelables.

Un intervenant dans le public cite Julia Anders «Le chant discret de l’intestin ».

Intervention passionnée de Béatrice Martin, éleveuse en mode traditionnel biologique, qui souhaitait parler des vaches élevées pour la viande (différents morceaux et une cuisine adaptée pour chacun) et des vaches qui vivent dans les prés.

 

 

---> Voir l'interview de Béatrice Martin


5e intervenant : Régis Ouvrard, membre de la LPO.

Sujet : Perte de la biodiversité : réduction des zones humides, haies, prairies.

 

Définition de la biodiversité : tous les êtres vivants, les écosystèmes, les bactéries, milieux, races, gènes et variétés domestiques.

La fertilisation se fait naturellement grâce aux vers de terre, la pollinisation grâce aux abeilles (2000 fleurs visitées chaque jour par un individu).

Pour assurer la résistance naturelle des plantes aux maladies, il faut maintenir la biodiversité des semences.

La biodiversité est un moyen de protection des eaux et des sols. Elle filtre l’eau et empêche l’érosion.

Elle est en déclin : régression 2/3 de la population des invertébrés (étude de 3600 espèces).

Causes nombreuses : déforestation, acidification des océans, etc. et impacts sur le climat.

Menaces : - perte, dégradation de l’habitat

- Surexploitation des ressources

- accidents

-pollution

-espèces invasives et maladies

-manque d’entretien des berges ; eau douce= + grosse perte de biodiversité

-changement climatique qui brouille les signaux déclencheurs (reproduction).

L’humanité est face à un défi : maintenir et restaurer la biodiversité. Il faut changer les pratiques agricoles en privilégiant une agriculture durable.

Le débat :

Prise de parole de jeunes agriculteurs qui ne sont pas d’accord avec les écoles d’agriculture et estiment qu’en tant que citoyen on peut agir (Terre de liens).

Expérience intéressante : dans le Limousin, 11 personnes se sont installées sur 96 ha en bio : élevage de vaches, moutons, cochons, etc . Et ça marche !


 6e intervenant : Gilles Dubin, éleveur de bovins à Mauléon, dans les Deux-Sèvres.

Présentation d’une alternative à l’industrialisation.

 

Gilles s’est installé en 95 sur la ferme de ses parents. Il élève des vaches charolaises allaitantes, avec du maïs et des céréales. Son but est l’autonomie alimentaire. Il ne veut plus acheter de taurillons.

Il a 45 vaches allaitantes, 25 taurillons par an, des génisses pour le renouvellement et des vaches de réforme.

En 2006, il ajoute 10 ha à son domaine et cesse de cultiver du maïs.

Il cultive de la luzerne pour ses taurillons. L’engraissement est fait avec des céréales et un ajout de pois (pour l’azote) et d’avoine. Il n’achète plus rien à l’extérieur.

Ses animaux partent au même âge qu’avant, un peu plus lourds, ce qui prouve qu’on peut engraisser des taurillons avec ce système (herbe +fourrage grossier). Ils consomment 3 à 4 kg de luzerne par jour.

Le plus difficile, ce sont les vêlages, qui exigent de la surveillance. Ensuite il n’y a pas de problème sanitaire.

Le taurillon est destiné à l’exportation. Ses animaux sont abattus à Bressuire.

La viande est plus foncée car les animaux  mangent de l'herbe ( ils ne sont pas sevrés avec les mères ) et de la luzerne par la suite. Il faut habituer les consommateurs à ce type de viande.

Le débat :

Dominique Brunet conclut en soulignant que ce type d’élevage est intéressant car il y a un lien au sol, contrairement à ce qui est prévu dans le projet de Coussay-les-Bois.


---> Vidéo Gilles Dubin

Etre résilient en élevage de viande bovine. Un système équilibré et économe - Gilles Dubin

Gilles Dubin. Photo Christelle Picaud
Gilles Dubin. Photo Christelle Picaud

Claudine Dufour (Association ASPECT)

Relecture : Michelle Martin


Télécharger
Compte rendu de la journée organisée par le Collectif
Conférences débats 12 nov 2016.pdf
Document Adobe Acrobat 432.2 KB